Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
  l'arbre au feminin.overblog.com

L'arbre au féminin

l'arbre au feminin

Publié le 27 Décembre 2012 par L'arbre au féminin in l'arbre au feminin, kenya, wangari maathai

Les arbres en deuil après le décès de

Wangari Maathai

Olivier Nouaillas - publié le 26/09/2011 la vie   

La kényane Wangari Maathai, prix Nobel de la Paix en  2004, est décédée le dimanche 25 septembre à l'age de 71 ans. Elle avait consacré sa vie à la défense de l'environnement et à la plantation d'arbres en Afrique. Les journalistes de La Vie l'avaient longuement rencontrée en 2006 au Kenya.

Wangari Maathai a combattu toute sa vie la déforestation du Kenya © Christian Boisseaux pour La Vie

Wangari Maathai a combattu toute sa vie la déforestation du Kenya © Christian Boisseaux pour La Vie

 

"Quand elle plante un arbre, elle change le monde" avions-nous titré en Une à l'occasion du long reportage publié dans La Vie le 6 juillet 2006 (n°3175). Nos deux envoyés spéciaux, Marie Chaudey et Christian Boisseaux-Chical, l'avaient suivie pendant une semaine au Kenya, son pays natal. Là où tout le monde l'appelait "Wangari des arbres" (Wangari wa miti, en langue kikuyu.). On estime, en effet, qu'en plus 35 ans de vie militante, Wangari Maathai a fait planter plus de 40 millions d'arbres, non seulement dans son pays, mais sur tout le continent africain.

Née le 1er avril 1940 à Ihite, dans le centre fertile du Kenya, la jeune Wangari avait bénéficié d'une bourse pour étudier la biologie dans des universités américaines. Puis, de retour à Nairobi, elle est la première femme africaine a obtenir en 1971, un doctorat en médecine vétérinaire. En 1977, c'est le tournant de sa vie avec la fondation du Green Belt Movement (Mouvement de la ceinture verte) qui s'oppose à la déforestation massive du Kenya mais aussi à l'autoritarisme du président Moi. 

Emprisonnée, battue, elle est libérée après une campagne d'Amnesty International. Elle réoriente son mouvement vers la plantation d'espèces locales au détriment d'autres plus exotiques. « Les deux tiers du pays sont arides, semi-arides ou désertiques. Nous sommes une contrée agricole, très vulnérable, avec la proximité du Sahara, déclare-t-elle à l'époque. Nous devons étendre la couverture forestière et le seul moyen d'y parvenir est d'impliquer les citoyens »

Son combat est récompensé en 2004 par l'attribution du prix Nobel de la paix où les jurés ont voulu lier les problèmes d'environnement aux grands équilibres du monde. Très populaire en Afrique et dans le monde entier, elle s'était déplacée en 2009 à Copenhague pour appuyer la conférence sur le changement climatique. Atteinte d'un cancer, elle est décédée dimanche, à l'âge de 71 ans, à l'hôpital de Nairobi. Et, ironie de l'histoire, Wangari Maathai décède au moment où le Kenya doit faire face à l'accueil de très nombreux réfugiés somaliens chassés de leur pays à la fois par les conséquences de la guerre civile et de la sécheresse, mais aussi de la déforestation...

Le mugumo sacré de Wangari Maathai

[Reportage de Marie Chaudey publié dans La Vie le 6 juillet 2006]

Couverture de la Vie datée du 6 juillet 2006"Avec deux mains, on plante un arbre ; avec des milliers de mains, on plante une forêt." Dans la petite église au toit de tôle pleine comme un œuf, Wangari Maathai, 66 ans, Nobel de la paix 2004, entonne son couplet favori. Aussi fervente, aussi pédagogue, aussi à l'aise devant une assemblée aux pieds crottés que sous les lambris des palais présidentiels. Il faut dire qu'elle est ici dans son fief, sur cette terre fertile du Haut Plateau central du Kenya, région la plus humide et la plus verte du pays malgré la déforestation qui y fait des ravages depuis plusieurs décennies. Luxuriance et pauvreté mêlées. C'est ici que, petite fille, Wangari Maathai a grandi, dans une humble famille de paysans, à l'ombre tutélaire du mont Kenya – 5200 mètres couronnés de neige, qui aimantent le regard au loin, comme un mirage sous l'équateur.

"Chaque fois que vous plantez un arbre, c'est du bois de chauffe pour l'avenir, des planches pour construire, des fruits pour votre alimentation, du fourrage pour vos animaux", martèle l'oratrice. Catholique tendance écolo-œcuménique, Wangari Maathai profite aujourd'hui de la tribune que l'évêque pentecôtiste local lui a laissée à sa messe dominicale : l'office tient de l'agora, du forum au milieu des collines, rythmé par les danses et l'énergie des tambours. Entre deux voyages autour du monde – son secrétariat, débordé, reçoit chaque jour la bagatelle de soixante demandes de rencontres et autres invitations –, la députée et militante Wangari Maathai revient régulièrement mobiliser les siens, en territoire kikuyu. Jusqu'au pied du massif boisé des Aberdares, le château d'eau du pays, qu'elle entend protéger comme le plus précieux des trésors.

L'urgence à planter des arbres se voit ici à l'œil nu. Nous sommes en mai, à la grande saison des pluies qui ravine les chemins et charrie un flot de boue rouge dans le lit des rivières : "Notre terre s'écroule et s'évanouit sous nos pieds", déplore avec douleur Wangari Maathai, comme si son propre sang s'épanchait. Mais gémir sans proposer de solution à la portée de tous, ce n'est pas le genre de la maison : "Récoltez l'eau de pluie ! Et plantez des arbres pour stopper l'érosion des sols ! Vous respecterez ainsi la nature que Dieu nous a léguée."

En 30 ans d'activisme, Wangari Maathai a fait planter 30 millions d'arbres, avec comme petites mains les femmes de son pays. Respectueux, les élus locaux lui donnent du "madame Professeur". Tandis que, pour l'assemblée des humbles, elle est tout simplement "Wangary des arbres" (Wangary wa miti, en langue kikuyu) à qui l'on va serrer affectueusement la main à la fin de l'office. Tous savent ce qu'elle a fait pour eux, et particulièrement les paysannes. Son association leur offre un petit revenu : 5 shillings (6 centimes d'euro) par jeune plant mis en terre, 5 shillings supplémentaires si l'arbre pousse bien. La plante s'épanouit, les femmes aussi, qui retrouvent une nouvelle confiance en elles-mêmes, une maîtrise de leur vie – cet empowerment qui revient sans cesse dans le discours du Prix Nobel : "Chaque fois que vous plantez un arbre, vous plantez aussi une graine d'autonomie pour les femmes, une graine de respect pour l'environnement, une graine de citoyenneté pour la démocratie et pour la paix. C'est une autre manière de s'enrichir", assure Wangari Maathai. Avec son gros nœud traditionnel noué dans les cheveux et son sourire d'une stupéfiante jeunesse, cette vraie fille de la terre est devenue en quelques années une icône pour tout un continent. Maathai, c'est l'Afrique comme on l'aime, animée d'une contagieuse énergie, résolument porteuse d'espoir.

http://www.lavie.fr

Commenter cet article